Iconoclasme et Franc-maçonnerie

   La question est de savoir s’il est iconoclaste de contester les interprétations officielles de la lettre G faites aujourd’hui par le GODF et proposées à la vénération de la classe compagnonnique : géométrie, génie, gnose, génération, gravitation. Eh bien, la réponse est oui.

   fmparis 2Je vous renvoie au Ligou ou au Boucher pour le détail des interprétations ingénieuses et contradictoires du G faites par les différents auteurs maçonniques : gamma, iod, alchimie, kabbale, nœud, spirale... L'apex de l'élucubration étant atteint par l'inévitable charlatan René Guénon, qui y voit un swastika. Mais, après tout, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pour ma génération, cela renvoie inévitablement à la logique shadok, dont l’iconoclasme demeure intact. Il est pourtant clair, à lire ces bons auteurs, que s’il y a une parole perdue en Franc-maçonnerie, c’est bien la signification du G...

   Pour ma part, je rejoins ceux qui y voient une représentation du divin. J’en veux deux signes :
- la précocité internationale du G : il est absurde d’en chercher un sens français ; il est diffusé par les francs-maçons anglais dans tous les pays, parmi le premier corpus symbolique, avec les deux significations explicites de God (Dieu) et géométrie ;
- l’interchangeabilité du G dans l’iconographie avec le tétragramme hébreu YHWH (d’origine protestante et janséniste) et l’œil, qui sont les uns comme les autres des représentations du divin, prenant place dans le triangle et/ou l'étoile, et/ou la gloire rayonnante ou flamboyante.

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La numismatique maçonnique montre par de très nombreux exemples à quel point ces représentations du divin sont interchangeables : G, tétragramme, triangle, pentagramme, hexagramme, ennéagramme, œil, soleil à visage humain... Tous rayonnent sur l’univers de la même façon.

   Cela ne retire rien à la légitimité et à la richesse des interprétations ésotériques imaginables par chacun de nous : athées ou non, que mettons-nous sous le mot dieu ? Les cinq significations proposées maintenant par le GODF sont un résumé plausible des attributs de la divinité, comme l’étaient au XIXe siècle les significations de «ggloire » et « grandeur ». Et même si, à l’extrême, le grand architecte de l’univers est seulement l’allégorie du principe de causalité, même si le divin est seulement une dimension intérieure de l’humain, sa place est au cœur de notre quête de sens individuelle et collective.

   Au terme de mon étude des iconoclasmes, ce qui m’apparaît surtout, c’est que ce G succède sans différence structurelle au XP grec, au IHS catholique et protestant, au tétragramme juif repris d’ailleurs à l’identique. Il s’inscrit dans une histoire riche et honorable, caractérisée par vingt-cinq siècles de recherche d’autonomie du spirituel, qui s’est exprimée dans le choix de la parole contre l’image, depuis le culte zoroastrien de la lumière jusqu'à nous.

  fmstgermain Ce choix, je crois l’avoir illustré, a toujours été complémentaire à une volonté d’amélioration morale et matérielle de l’humanité. Cette complémentarité n’est pas moins évidente en Franc-maçonnerie. Celle-ci, explicitement, depuis ses débuts, est une recherche éthique individuelle et collective. La loi y est dite sacrée, avec ou sans grand architecte de l’univers, et qu'elle soit présente sous les espèces de l'Ancien Testament, de l'Evangile selon Saint Jean ou de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Le temple de Salomon, construit pour héberger l’arche d’alliance, c’est-à-dire la loi, y est une référence constante.

   C’est ainsi que le G me semble, entre toutes les autres significations qu’il siéra à chacun de lui attribuer, fonder historiquement et symboliquement la laïcité.

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